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Extrait du roman écrit en 2014 et disponible en téléchargement.
Il la cogne à nouveau, j’entends les cris, je ferme les yeux pour ne pas voir ce que j’entends et plonge ma tête sous l’oreiller.
Je ne veux pas entendre, je ne veux pas savoir.
Mais la peur l’emporte à nouveau. La peur que ça aille trop loin.
Et je me lève une nouvelle fois, ouvre la porte de ma chambre, et appelle :
« maman, maman, ça va ? »
Tout vacille dans l’obscurité du silence quand la porte de la cuisine s’ouvre et que la silhouette de ma mère apparaît en ombre sanglotante auréolée de lumière.
***
Aujourd’hui, j’ai levé une chaise pour en frapper mon père. D’abord, il n’a pas su quoi faire, mais très vite ses mâchoires se sont serrées comme un étau et son poing est parti.
J’ai mal à la mâchoire, j’ai dit à l’école que j’étais tombée de vélo.
Les coups de ceinture, je n’en veux plus, les coups de poings, je n’en veux plus, les cris, je n’en veux plus, la peur, je n’en veux plus.
Je jure que cela ne se reproduira pas. Je vais l’éviter, ne plus le regarder, ne plus lui parler.
Et je vais souhaiter de toutes mes forces qu’il meurt.
***
L’enfant cultive sa haine et sa colère. Dans la cours d’école, elle joue à être un garçon, et ce sont le foot, la bagarre, la compétition qui l’enivrent. Elle aime déchirer ses robes, ronger les bijoux que sa mère voudrait qu’elle porte. Elle méprise et détruit tout ce qui a une connotation féminine.
Depuis que je l’ai mordu jusqu’au sang, il est plus calme. Ce jour-là, il criait encore contre nous et ses poings étaient serrés. J’avais peur qu’il ne me frappe, alors j’ai levé à nouveau une chaise contre lui. Cette fois-ci, il n’a pas réagi de la même façon, ma haine devait être visible.
Il m’a regardé avec de grands yeux tristes, ce regard qui me fait si mal.
Plus tard, dans l’après-midi, il est venu me voir dans la chambre.
Je lisais sur le lit. Il s’est assis, a posé sa main sur mon épaule :
« Je ne veux pas vous faire de mal à toi et à ta mère, tu sais. Mais ta mère est folle parfois, elle ment et elle s’emporte, je suis obligé de la calmer. »
Je ne sais pas pourquoi, mais quand son visage s’est approché du mien, j’ai mordu sa joue jusqu’au sang. Il ne m’a pas frappée, il est tombé au sol et nous nous sommes regardés. Il a fini par se lever en me disant : « Tu es comme ta mère ».
Depuis, nous ne nous parlons plus du tout, mais j’ai peur.
Parce que j’ai senti qu’à ce moment-là mon visage n’était pas le mien mais le sien.
Je ne veux pas devenir lui.
Mais je ne veux pas devenir elle non plus.
Qui se défend ici ? Personne, pas même le chien.
Ana Minski