« Dans la chambre imprégnée de vinaigre où nous disséquions ce mort qui n’était plus le fils ni l’ami, mais seulement un bel exemplaire de la machine humaine... »
Dans une série d’articles consacrés au progrès technologique, l’historien Christopher Lasch note qu’il y a peut-être quelque chose de profondément irrationnel au cœur de ce qu’on tient pour l’entreprise rationnelle par excellence.
La différence même entre sciences pures et sciences appliquées n’existe réellement chez aucun des grands fondateurs de ce que l’on nomme aujourd’hui la science. Loin de son image rebattue de rationaliste militant, Newton a passé une grande partie de sa vie à écrire sur la numérologie biblique. Pourtant, il n’y a pas eu deux Newton (ou même trois, puisqu’il fut aussi directeur de la Monnaie). Ce que l’on considère comme de la pure science aujourd’hui n’en est peut-être que pour nous.
La science n’échappe pas aux fluctuations idéologiques difficilement extirpables des contextes sociaux dont elles sont à la fois origine et débouché. L’anthropologie et la préhistoire ne font pas exception. Tout au long des XVIIIe et XIXe siècles, naturalistes et anthropologues instrumentalisent les indigènes qui jouent tour à tour le rôle du chaînon manquant, de l’ignoble sauvage ou, parce que « le moins homme », du noble sauvage.