illustration de couverture : Marie Bracquemond

Philosophie et biais patriarcaux

Le cas Jean-François Braunstein dans La religion woke.1

Cette note concerne le chapitre deux, intitulé « Une religion contre la réalité », consacré à la théorie du genre et au transgenrisme.

« […] la théorie du genre2 vise à s’implanter dans toutes les sociétés humaines sans exception, dans la mesure où celles-ci reconnaissent la différence des sexes, qu’il s’agit d’effacer. La théorie du genre a le mérite paradoxal de porter à l’extrême les théories woke, en niant les faits les plus élémentaires mais aussi en s’en prenant directement à la science, la biologie en premier lieu et, à la fin, en récusant l’existence même de la réalité. 3»

Je serais entièrement d’accord avec cette manière de présenter la théorie du genre et ses avatars, si, quelques pages plus loin, il ne déclarait pas ceci : « Et ce sont de plus en plus les femmes qui sont effacées, les hommes ayant déjà été passés par pertes et profits depuis bien longtemps. 4» (C’est moi qui souligne).

Les hommes auraient été passés par pertes et profit ? Par qui, quand et comment ? Mystère. Sous-entend-il que les femmes (les féministes surtout) en seraient responsables ? Et qu’entraînées par leur élan, elles s’auto effaceraient ? C’est malheureusement ce que sont en train de faire les prétendues féministes qui ont adopté la théorie du genre. Soit, si c’est ce qu’il entend.

Mais il me semble surtout qu’il ne voit pas que l’effacement des femmes est le fait des hommes. L’histoire des femmes prouve abondamment que nous avons été réduites au silence et à l’insignifiance depuis la nuit des temps. En se révoltant contre cette invisibilisation, nous avons engrangé quelques gains, fragiles et toujours menacés, et visiblement cela ne passe pas.

Ceux-là même avec qui nous avons lutté dans les années 1970 se retournent aussi contre nous, tentent d’effacer les lesbiennes et le reste des femmes à leur profit en décrétant qu’une « femme trans » (Male to Female) est une femme et que nous autres, les femmes biologiques, sommes des « personnes avec vagin », en décrétant qu’un pénis peut être féminin et qu’ils peuvent allaiter.

Ce sont des hommes (devenus « femmes trans », souvent) qui possèdent les laboratoires, les cliniques où ces miracles ont lieu ; et ces hommes ne menacent en rien le système capitaliste patriarcal, ils sont millionnaires ou milliardaires, ils entrent en politique, ils corrompent l’université, l’édition, la presse.

Cette phrase (les hommes ont été passés par pertes et profits) est un magnifique exemple d’inversion patriarcale.

Annie Gouilleux

Lyon, juillet 2025

1 Publié aux éditions Taillandier en 2024.

2 Ana Minski me fait remarquer à juste titre qu’il existe une différence entre identité de genre, qui est une idéologie, et la théorie du genre qui est une théorie permettant de comprendre les rôles sexués. Les masculinistes maintiennent la confusion entre ces deux “approches” pour critiquer le féminisme et invisibiliser les féministes radicales qui critiquent l’identité de genre et son idéologie depuis longtemps.

3 Opus cité, page 81.

4 Opus cité, page 103.