illustration de couverture : Marie Bracquemond

Remarques liminaires : en ce qui concerne cette brève de lecture, je suis personnellement opposée à l’expression “théorie du genre”, expression utilisée par les auteurs antiféministes et visant à dénigrer le féminisme et son concept de genre. Ces auteurs confondent sciemment “identité de genre” et “théorie du genre” pour affirmer que l’identité de genre découle du féminisme et de sa “théorie du genre”. Il pourtant une différence de taille entre identité de genre, qui est une idéologie, et le “genre” qui n’est pas une théorie mais un concept permettant de comprendre les rôles sexués. Le genre, comme concept, permet de comprendre le fonctionnement de binarité sexuelle et de la domination masculine, dans nos sociétés mais aussi dans les sociétés étudiées par les anthropologues. Les masculinistes maintiennent la confusion entre l’approche conceptuelle qu’est le genre et l’idéologie transgenre pour décrédibiliser le travail des féministes radicales qui sont parmi les premières à critiquer “l’identité de genre” identifiée comme nouvelle forme d’aliénation capitaliste et de domination masculine : https://tradfem.wordpress.com/

Philosophie et biais patriarcaux

Le cas Jean-François Braunstein dans La religion woke.1

Cette note concerne le chapitre deux, intitulé « Une religion contre la réalité », consacré à la théorie du genre et au transgenrisme.

« […] la théorie du genre2 vise à s’implanter dans toutes les sociétés humaines sans exception, dans la mesure où celles-ci reconnaissent la différence des sexes, qu’il s’agit d’effacer. La théorie du genre a le mérite paradoxal de porter à l’extrême les théories woke, en niant les faits les plus élémentaires mais aussi en s’en prenant directement à la science, la biologie en premier lieu et, à la fin, en récusant l’existence même de la réalité. 3»

Je serais entièrement d’accord avec cette manière de présenter la théorie du genre et ses avatars, si, quelques pages plus loin, il ne déclarait pas ceci : « Et ce sont de plus en plus les femmes qui sont effacées, les hommes ayant déjà été passés par pertes et profits depuis bien longtemps. 4» (C’est moi qui souligne).

Les hommes auraient été passés par pertes et profit ? Par qui, quand et comment ? Mystère. Sous-entend-il que les femmes (les féministes surtout) en seraient responsables ? Et qu’entraînées par leur élan, elles s’auto effaceraient ? C’est malheureusement ce que sont en train de faire les prétendues féministes qui ont adopté la théorie du genre. Soit, si c’est ce qu’il entend.

Mais il me semble surtout qu’il ne voit pas que l’effacement des femmes est le fait des hommes. L’histoire des femmes prouve abondamment que nous avons été réduites au silence et à l’insignifiance depuis la nuit des temps. En se révoltant contre cette invisibilisation, nous avons engrangé quelques gains, fragiles et toujours menacés, et visiblement cela ne passe pas.

Ceux-là même avec qui nous avons lutté dans les années 1970 se retournent aussi contre nous, tentent d’effacer les lesbiennes et le reste des femmes à leur profit en décrétant qu’une « femme trans » (Male to Female) est une femme et que nous autres, les femmes biologiques, sommes des « personnes avec vagin », en décrétant qu’un pénis peut être féminin et qu’ils peuvent allaiter.

Ce sont des hommes (devenus « femmes trans », souvent) qui possèdent les laboratoires, les cliniques où ces miracles ont lieu ; et ces hommes ne menacent en rien le système capitaliste patriarcal, ils sont millionnaires ou milliardaires, ils entrent en politique, ils corrompent l’université, l’édition, la presse.

Cette phrase (les hommes ont été passés par pertes et profits) est un magnifique exemple d’inversion patriarcale.

Annie Gouilleux

Lyon, juillet 2025

1 Publié aux éditions Taillandier en 2024.

2 Ana Minski me fait remarquer à juste titre qu’il existe une différence entre identité de genre, qui est une idéologie, et le genre comme concept permettant de comprendre les rôles sexués. Les masculinistes maintiennent la confusion entre ces deux “approches” pour invisibiliser le travail des féministes radicales qui la dénoncent et prétendre qu’elle n’est que la suite logique du féminisme. Pourtant, les féministes radicales sont nombreuses, et ce depuis des décennies, à dénoncer l’identité de genre, le transactivisme, et à l’identifier comme une nouvelle forme d’aliénation capitaliste et de domination masculine : https://tradfem.wordpress.com/

3 Opus cité, page 81.

4 Opus cité, page 103.