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Poèmes écrit en 2014 dans le recueil Déhiscences
Maladroits, nous déraillons dans un paysage sombre
où ni ombre ni couleur ne s’esquisse
nous sommes monstres au sourire démesuré
dans un pays où règnent les mutilés
Automates aux racines profondes et droites
ils ne souffrent d’aucune hypertélie
des moignons de sentiments gesticulent le long des sentiers
en membres disloqués ou en têtes égarées
Des lèvres de phalène s’accouplent parfois
à ses fleurs aux pistils estropiés
mais jamais la synergie ne fonctionne
toujours d’un blanc laiteux le sourire des mutilés
En ondes multicolores nous errons
sur cette terre au sol clouté
sans repos toujours aux aguets
craignant de perdre la précieuse cargaison de nos âmes
Farfadet sorcière dragon harpie centaure gorgone
vêtus de lierre, de lichen, de terre, de mousse
ne sachant pas marcher, toujours dansant
moqueurs et hilares
Craignant la sentence du jaloux vaniteux nous nommant
Créature d’hôpital bonne pour le bûcher
Je me perds dans tous ces siècles
Lequel abonde à ma gorge, lequel sculpte mon squelette
De quelle voix se tisse mes yeux ?
Les totems les caveaux les cathédrales
Les roses trémières, Mullner Hauptstrasse, Harar
En quel lieu le temps de mon passage ?
Des cris de vapeur m’assomment chaque nuit
mammifères, poissons rouges, hirondelles, cyanobactéries
en courroies colorées me musellent, me libèrent m’emportent
L’onde crépite dans ma langue flamboyante
Incendiaire la vague de mes enfances
Mon reflet est un coup de pinceau effacé
Mes ombres des flaque de pétrole où les souvenirs copulent
mon squelette un banc de calcaire que les morts érodent
Mon œil brun un reflet de lune
Je ne suis jamais née
ce qui gronde ce qui creuse ce qui disperse
les mots rêvant la chair.
Ana Minki